Pourquoi & comment ?

Collectif pour l’Application des Droits de Représentation

                   Pourquoi & comment rémunérer une exposition?




- Artiste et droit de représentation  -

Il est devenu tellement courant dans les métiers de l'art de ne pas rémunérer les artistes / auteurs pour des expositions, qu'il est indispensable de rappeler en quoi cette rémunération est à prévoir, car vitale pour les artistes.

Par exemple, la  Charte des auteurs et illustrateurs jeunesse établit chaque année des barèmes pour les interventions / dédicaces et expositions des auteurs adhérents à la charte. De fait, les auteurs jeunesse adhérents de cette charte ne rencontrent pas du tout le même genre de difficultés qu'un autre artiste / auteur (plasticien, photographe, auteur BD...)

- Pourquoi rémunérer une exposition ? -

- La première finalité du travail d'un artiste, c'est d'être vu. C'est devenu avec le temps une habitude, notamment dans les galeries, de voir les expositions comme des magasins d'art. Ce n'est pas le but de l'art que de se vendre. C'est un fait imposé à l'artiste pour se rémunérer. C'est devenu la norme, le passage obligé pour espérer pouvoir vivre de son art.
Mais cela pose plusieurs problèmes : l'artiste peut ne pas avoir envie de se séparer d'une œuvre. Et le but d'une œuvre c'est de rencontrer un public, d'être vue, de vivre. Un dessin, une toile, une planche, ou une photographie vendus n'ont plus vraiment d'existence s'il n'y a personne pour les regarder.
Si une œuvre est vendue à sa première exposition, la vie de celle ci est écourtée, et ne profitera plus qu'à son acquéreur.

- L'exposition d’œuvres, (hors galeries et musées) est un plus dans un lieu, tels que les lieux associatifs, restaurants, médiathèques, salles de concert, etc... Une exposition attire un public et fait vivre le lieu. Trop souvent l'artiste / auteur doit se contenter de promesses de "publicité" en lieu et place d'une rémunération (le fameux « ça te fera de la pub»).  À aucun moment on ne met en avant l’avantage d'une exposition pour le lieu, qui bénéficie  de la promotion autour de l’événement, et du réseau de l’auteur.

Une fois que nous avons constaté cela, il devient difficile pour un artiste / auteur de vivre de son art s'il ne souhaite pas vendre sa production. Un de ses moyens de subsistance est la location d'exposition, en s'appuyant sur le droit de représentation (article L 122-2 du code de la propriété intellectuelle), trop souvent oublié. Rémunérer une exposition signifie la reconnaissance du travail effectué par l'artiste, et sa valeur intrinsèque, qui précède sa valeur marchande.

Le fait de ne pas rémunérer une exposition implique notamment, et c'est très dommageable, que la production d'un artiste doive être vendable. Elle peut alors délimiter sa forme, et son contenu, qui devra s'adapter à la vente. On en arrive très vite à la conclusion qu'une œuvre est formatée et devient un objet de décoration vidé de son sens.
Ne voir dans les expositions que le côté vendeur de l'oeuvre c'est oublier tout le plaisir qu'elle apporte par sa simple existence, ou la réflexion qu'elle provoque. On peut apprécier une œuvre, sans pour autant avoir l'envie ou les moyens de l'acheter, et c'est faire de l'art un domaine accessible uniquement aux plus fortunés que de ne proposer que la vente de ces œuvres pour pouvoir les apprécier, et priver les plus démunis d'oeuvres déjà vendues.

Il est aussi important de noter que le travail d'un artiste ne peut se faire qu'avec du temps. Les processus pour aboutir à une œuvre peuvent être longs : de la réflexion, aux croquis, aux essais, jusqu'à ce qui est donné à voir. Si ce processus est souvent invisible pour le public, il est important de le prendre en compte. Une œuvre ne naît pas subitement, l'artiste a dû travailler pour en arriver au résultat final. C'est ce qu'on oublie trop souvent en ne voyant dans une œuvre qu'un objet de consommation.

Pour faire un parallèle assez juste : il paraît normal de rémunérer un groupe pour une performance scénique (concert), on ne demande pas aux groupes de vendre leurs disques pour se rémunérer. Le disque et le concert sont deux choses très distinctes, et il en est de même pour le travail d'un artiste / auteur et son exposition.


- À quoi correspondent les droits de représentation ? -

Ils correspondent au droit cédé par l'artiste pour une exposition de ses œuvres et une période données, dans un contrat signé par les deux parties (avec notamment description des œuvres et nombre de celles-ci, voir « comment fixer le montant du droit de représentation »).
Ces droits ne couvrent pas le transport des œuvres, l'encadrement, l'accrochage, la promotion de l'exposition, le déplacement éventuel de l'artiste, l'assurance de l'exposition qui doivent être pris en charge par le lieu qui expose ou l'organisateur (*)

Ces droits de représentation n'ouvrent pas à d'autres droits, notamment de reproduction, en dehors de la promotion de l'exposition bien entendu.

(*) une assurance est indispensable à toute exposition, pour les cas de vol ou de dégradation des œuvres pour lesquels l'artiste doit obtenir un dédommagement.
Concernant l'encadrement : l'artiste n'est pas tenu de fournir ses œuvres encadrées, le lieu / organisateur doit fournir les cadres nécessaires le cas échéant, par exemple pour les dessins, gravures, etc.
Transport des œuvres : celui ci doit bien sûr être assuré dans le cas où l'artiste ne se déplace pas lui même pour apporter ses œuvres (quand il le peut).
Dans le cas où l'artiste ne peut être présent, le plan d'exposition peut être inscrit dans le contrat et sera impérativement respecté.


- Comment fixer le montant du droit de représentation ? -

Il serait logique d'établir un barème en fonction du nombre de pièces, leur taille et du nombre de jours d'exposition, afin de pouvoir adapter ce droit à toutes les situations possibles : expo courte ou longue, comportant beaucoup ou peu de pièces, et la nature des pièces.
Ces informations sont par ailleurs nécessaires au lieu d'exposition pour assurer celles-ci.

Le tarif à appliquer à une pièce, sa « valeur d'exposition », devrait prendre en compte par exemple sa taille ou sa nature, un artiste travaillant sur de grands formats ne peut pas exposer autant de pièces qu'un artiste travaillant sur de petits formats mais ne doit pas être pénalisé non plus pour ses choix de format. Un artiste travaillant avec l'immatériel ne peut pas se baser sur la taille de son œuvre pour fixer ce tarif.
La nature des œuvres exposées étant très variable, l'artiste fixe donc lui même le tarif, en négociant si besoin avec le lieu / l'organisateur de l'exposition.


Le forfait, en règle générale, n'est pas envisageable, puisqu'inégalitaire : une exposition de 3 mois comportant beaucoup de pièces ne peut pas être cédée au même prix qu'une exposition de 2 jours comportant peu de pièces, bien évidemment. Cependant, le travail nécessaire pour une exposition courte est le même que pour une exposition longue (seule la durée de l'exposition varie, mais pas le nombre de pièces et leur nature). Il est donc bon, dans ce cas précis, de prévoir une base forfaitaire, afin que les expositions très courtes ne soient pas pénalisées, puisqu'elles demandent autant de travail à l'artiste.

Une base de 50 euros, inconditionnelle, est envisageable (dans le cas d'une exposition éphémère d'une journée, où le nombre de jours n'entre pas en ligne de compte).

Pour fixer ce barème, nous nous basons sur le SMIC et refusons qu'après calcul, la rémunération tombe en dessous du taux horaire (9,22€ brut) sachant que les artistes payent eux-mêmes leurs charges et autres cotisations.